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15 mars 2011

Renault : Carlos Ghosn, le PDG mi-samouraï, mi-OSS 117

Renault : Carlos Ghosn, le PDG mi-samouraï, mi-OSS 117

Renault s'est ridiculisé avec son affaire de prétendu espionnage : le groupe se serait simplement fait escroquer, et il a présenté ses excuses aux cadres mis en cause . Des têtes pourraient tomber dès ce lundi, mais probablement pas celle de Carlos Ghosn. Le PDG avait pourtant garanti le sérieux de cette enquête, menée par ses proches. Entre ses méthodes sociales musclées et son mépris de l'Etat – son principal actionnaire –, Carlos Ghosn n'en est pas à sa première erreur. Le temps où on le donnait en modèle aux apprentis managers est loin.

Le conseil d'administration convoqué en urgence ce lundi à 16 heures s'annonce animé. Le procureur de Paris l'a en effet annoncé en début d'après-midi : les trois cadres suspectés par Renault sont innocents, et n'ont pas vendu de renseignements sur les projets de voiture électrique. Le nouveau scénario est celui d'une « escroquerie au renseignement » : le constructeur s'est fait avoir, en versant 310 000 euros à un mystérieux informateur. Il devait même encore lui verser 390 000 euros. Renault a déjà présenté publiquement ses excuses aux cadres mis en cause.

L'affaire avait connu un tournant décisif vendredi. Un membre de la direction de la sécurité de Renault a été interpellé à l'aéroport de Roissy vendredi, avant qu'il n'embarque pour la Guinée. Il a été mis en examen pour « escroquerie en bande organisée » et écroué dimanche. C'est par son intermédiaire que Renault aurait acheté les fameux renseignements.

 

Carlos Ghosn, un « samouraï » des affaires

D'autant plus gênant pour Carlos Ghosn que la direction de la sécurité est très proche de l'état-major de l'entreprise. Et en particulier du directeur général, Patrick Pélata, qui supervise directement les dossiers d'« intelligence économique ». Il a d'ailleurs déjà accepté son sort au cas où l'affaire se retournait contre ses hommes. Dans une interview au Figaro, mercredi, il expliquait :

« Quand l'enquête sera terminée, nous en tirerons toutes les conséquences jusqu'au niveau le plus haut de l'entreprise, c'est-à-dire jusqu'à moi. »

 

Jusqu'à lui : pas jusqu'à Carlos Ghosn, donc. Impossible d'oublier, cependant, que le big boss a encouragé et soutenu l'enquête interne, en assurant même sur TF1 qu'elle était tout à fait sérieuse :

« Nous avons des certitudes. Si on n'avait pas de certitudes, on n'en serait pas là. »

 

Des « certitudes », Carlos Ghosn n'en manque pas. Et pas seulement en matière d'espionnage. S'il est devenu une star des affaires, c'est pour sa poigne :

  • en 2001, c'est lui qui est parti au Japon remettre de l'ordre chez Nissan, dont Renault venait de prendre le contrôle ;

  • en 2005, sans surprise, retour en France pour succéder au PDG du groupe, Louis Schweitzer ;

  • en 2008, on le disait partant pour prendre la tête de General Motors, le géant américain : la rumeur ne s'est pas confirmée, mais elle témoignait de l'aura du personnage chez ses pairs.

De son passage au Japon, Carlos Ghosn a gagné le surnom de « samouraï ». Sans doute pour sa capacité à sabrer dans les coûts. Lui-même préfère se décrire comme un « citoyen du monde », et il en fera d'ailleurs le titre d'un livre autobiographique. Ce PDG symbolise en effet à lui-seul la mondialisation : il vient d'une famille libanaise, il est né au Brésil et il dirige un des plus grands groupes français.

Un « citoyen du monde » brouillé avec la France

Ce « citoyen du monde » a justement réussi à se brouiller avec la France. Renault et les Français avaient « fait pas mal de route ensemble », comme le rappelait une pub de 2009. Une pub diffusée, pas de chance, au moment où le constructeur annonçait la suppression de milliers de postes en France et la délocalisation d'unités de production en Europe de l'Est.

Carlos Ghosn n'est décidément pas doué en diplomatie : il a aussi réussi à se mettre à dos le gouvernement. Avec 15% du capital, l'Etat reste tout de même le premier actionnaire de Renault. En janvier 2010, Nicolas Sarkozy avait même convoqué Carlos Ghosn à l'Elysée pour le lui rappeler. Cela n'avait pas empêché Carlos Ghosn de gaffer dans le Financial Times six mois plus tard :

« Renault n'est plus un constructeur français. »

 

Carlos Ghosn avait ensuite expliqué que cette formule maladroite devait être replacée dans son contexte, et qu'elle signifiait simplement que Renault vendait désormais davantage à l'étranger : cocorico, le constructeur français était désormais mondial. Le rattrapage n'avait pas suffi à améliorer l'image du PDG.

L'affaire d'espionnage présumé n'a pas amélioré les relations avec l'Etat. Renault enquêtait depuis l'été 2010, mais n'avait pas jugé utile d'avertir de vrais experts du contre-espionnage – la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur) – avant de licencier les cadres suspectés. Le contexte était porteur : une centaine de députés UMP venait de signer une énième proposition de loi sur le secret des affaires. Carlos Ghosn expliquait d'ailleurs sur TF1 :

« Quand un constructeur est en avance technologique, ne soyons pas naïfs, ça intéresse beaucoup de monde. »

 

Aujourd'hui, c'est donc l'hypothèse inverse qui se dessine : quand un constructeur est – ou se pense – en avance technologique, il peut être naïf au point de voir des espions partout – et de se faire arnaquer sans aucune difficulté.

► Mis à jour le 14/03/2011 à 17h15 : Renault a présenté ses excuses aux cadres qu'il a mis en cause.

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