Sous-traitance : les grands groupes «pillent» les PME
«Nous avons déjà lancé 25 médiations collectives, concernant au total 600.000 salariés», souligne Jean-Claude Volot, médiateur de la sous-traitance. Crédits photo : ERIC PIERMONT/AFP
Le médiateur de la sous-traitance relève 36 pratiques illégales. Il dénonce l'«omerta» et tire la sonnette d'alarme.
«On se croirait en Sicile ou en Corse. C'est l'omerta». Jean-Claude Volot, le médiateur de la sous-traitance nommé l'an dernier par le gouvernement, n'a pas de mots assez durs pour qualifier les pratiques commerciales illégales que les grands groupes industriels imposent à leurs fournisseurs. Dans une interview aux Echos ce jeudi, le médiateur tire la sonnette d'alarme : «la situation est très grave, les acheteurs des grands groupes pillent les petites et moyennes industries (PMI). Ils récupèrent à leur profit la plus grande partie de la marge et empêchent ainsi les entreprises intermédiaires de se développer».
Et le médiateur de lister 36 différents types d'entorses à la loi recensées ces derniers mois par ses services. De l'imposition de pénalités de retard abusives à l'auto-facturation qui permet aux grands groupes de passer outres les règles sur les délais de paiement tout en faisant payer ce service aux PME, les entorses à la loi sont légion. «Mais le domaine où la loi est violée de la façon la plus forte, c'est la propriété intellectuelle», souligne Jean-Claude Volot. Les grands groupes s'approprient régulièrement les innovations de leurs sous-traitants, en mettant par exemple en concurrence plusieurs fournisseurs sur un même projet. In fine, la PMI qui remporte le marché bénéficie des idées développées par ses concurrentes.
Certaines pratiques tendent même à se développer. C'est le cas du «quick saving», véritable chantage qui consiste à exiger du fournisseur qu'il verse, avant même de livrer les premières pièces, un gros chèque à son donneur d'ordre. Cette pratique qui s'est répandue à la faveur de la crise «permet aux grands groupes de récupérer de la trésorerie et d'améliorer sa marge. Le pire, c'est quand l'acheteur précise : «Nous avons besoin de cet argent pour financer l'achat d'une entreprise à l'étranger…»», explique Jean-Claude Volot.
Des pratiques que les PMI sont réticentes à dénoncer, de peur d'être boycottées. «Surtout ne donnez pas notre nom, sinon nous sommes morts !», s'inquiètent les fournisseurs. «C'est l'omerta. Il est temps de briser ce silence et de mettre fin à ce système qui détruit le tissu industriel français», affirme le médiateur. Comment s'y prendre ? Si Jean-Claude Volot préfère pour l'instant ne pas saisir la justice, il espère que «parler haut et fort» incitera les fournisseurs à se lancer dans des médiations collectives. «Nous avons déjà lancé 25 médiations de ce type, concernant au total 600.000 salariés», souligne-t-il. Changer la loi ne résoudrait rien : «Il y a réponse à tout ou presque dans la législation. Le tout est de la faire appliquer», insiste-t-il.